Estuaire de la Loire : une zone Natura 2000 à protéger

Depuis 2016, le Département est missionné par l'Etat pour gérer la zone Natura 2000 sur l'estuaire de la Loire. Face au réchauffement climatique qui frappe de plein fouet la Loire-Atlantique cette année, ce territoire de 22 000 hectares est plus que jamais fragilisé. Le Département conduit une démarche avec les acteurs de l'estuaire pour trouver des solutions à long terme. Nous avons interrogé deux d'entre eux.

Le site Natura 2000 Estuaire s’étire de part et d’autre de la Loire sur une dizaine de kilomètres entre Nantes et Saint-Nazaire et englobe une superficie 22 000 hectares. C’est une étape incontournable pour les oiseaux migrateurs et les poissons. Le site est reconnu d’importance européenne pour la richesse de sa biodiversité. Mais il n'échappe pas au réchauffement climatique qui fragilise sa faune et sa flore et par extension, l'espèce humaine, déjà impactée par la baisse de qualité et de quantité de l'eau.

"Une compétition accrue entre individus pour survivre"

Nicolas Chenaval du Groupe mammalogique de Bretagne (GMB) : étude et protection des mammifères sauvages en Bretagne historique et Loire-Atlantique.

Il est encore difficile de faire un état des lieux précis mais le monde naturaliste a des craintes sur des épisodes comme celui de cette année. Les populations d'animaux vont se rétracter sur des points d’eau de moins en moins nombreux, avec une compétition accrue entre individus. Nous n’avons pas d’étude mais cela a déjà dû faire des dégâts cet été sur la reproduction des micro-mammifères, qui font 4 à six portées annuelles. Idem pour les loutres et les castors : le terrier du castor doit toujours être immergé pour éviter les prédateurs. Face à la sécheresse, les terriers étaient plus accessibles. Concernant les chiroptères (chauves-souris), les pics de chaleur de juin ont pu impacter les petits des espèces aimant nicher dans nos combles, églises, vieilles granges. Il faudrait faire en sorte que nos combles soient moins chauds. Et protéger les arbres, qui restent des abris pour de nombreux animaux.

Un castor nageant dans l'Erdre
Un castor nageant dans l'Erdre © Xavier Rozec

"Le 28 avril, il n'y avait plus d'eau dans les marais de Donges"

Hubert Dugué, directeur de de l'association pour la connaissance et la recherche ornithologique en Loire et Atlantique - ACROLA, soutenue par le Département pour son action auprès des populations d'oiseaux linicoles de l'estuaire.

Nous sommes dans une année exceptionnelle, qui sera peut-être récurrente, mais on n’a jamais connu de telles conditions météo. Cette année, le déficit d'eau de l’hiver, déjà amorcé en 2021, s’est vu très tôt. Dès le printemps, on a pu constater dans les marais une évaporation de 1 à 2 cm par jour ! Résultat, le 28 avril, à Donges, il n’y avait plus d’eau dans les lagunes et les mares des marais, donc plus de nourriture. Des populations d’oiseaux limicoles, qui avaient déjà pondu, sont partis, abandonnant leurs œufs. Ce déficit de la reproduction s’est senti dès l’ouverture de notre camp de baguage début juillet : il n’y avait aucuns jeunes oiseaus dans nos filets. Nous avons constaté une baisse de 35 % de la population, et des oiseaux très maigres, dont on ne sait pas s’ils pourront migrer en Afrique. Ce sont des signaux forts sur la chute de la population des oiseaux, qui s’ajoutent à celle de la biodiversité constatée depuis 2012 .

Hubert Dugué de l'ACROLA lors d'une opération de baguage dans l'estuaire
Hubert Dugué de l'ACROLA lors d'une opération de baguage dans l'estuaire

Laisser l'eau prendre son temps

Nicolas Chenaval :

La meilleure chose à faire pour réduire les effets de la sécheresse c’est de restaurer les zones humides. La France en a perdu 2/3 depuis un siècle. Ces zones ont une meilleure capacité de rétention, d'eau car elle s’écoule moins vite, elle est mieux filtrée, elle pénètre mieux les nappes. ll faut restaurer les roselières, les jonchières des bords de Loire, végétation spécifique des zones humides.

Il faudrait reméandrer les cours d'eau, c’est-à-dire recréer des virages (des méandres) afin de ralentir la vitesse de l’eau. Tout a été modifié pour être droit et ainsi faciliter la navigation. Du coup l’écoulement de l’eau est trop rapide. Il faudrait également réduire l’industrialisation de l’estuaire, déjà très impacté avec Donges et Cordemais.

Hubert Dugué

Les solutions ? Il y a plein d’actions possibles. Il faut déjà maintenir une agriculture compatible avec la biodivesité. Et pour réussir à maintenir un niveau d’eau jusqu’à la mi ou fin août, il faut faire des travaux hydrauliques dans les marais et les cours d'eau, afin de conserver les pluies hivernales. Et toutes les communes qui ont un bout de marais peuvent jouer un rôle important pour aboutir à une meilleure gestion de l’eau.

Une mobilisation orchestrée par le Département

L’État a confié en 2016 la gestion du site au Département de Loire-Atlantique qui en est le garant. L’une de ses missions est d’inciter les communes situées sur le site Natura 2000 à s’engager avec lui à la préservation de la biodiversité et les accompagner à réaliser des actions concrètes pour maintenir l’équilibre des espaces et des espèces animales et végétales, que l’on sait fragile, en respectant les spécificités de chacun des territoires.

Les enjeux autour du périmètre Natura 2000 Estuaire sont nombreux et des solutions à trouver collectivement. Afin de les identifier pour les 15 prochaines années, le Département conduit une démarche avec les acteurs du territoire. Le mardi 13 septembre a clôturé une série de six ateliers organisés depuis mai et couvrant la totalité du périmètre Natura 2000-Estuaire.

Cette liste d'actions doit être finalisée dans un document pour la fin d'année prochaine.

En toile de fond nous avons le dérèglement climatique mais les incendies en Europe, les activités portuaires, agricoles, les émissions de gaz à effet de serre, tout a un impact. Nous devons concilier vie économique et impact écologique. Il faut que tout le monde puisse trouver sa place pour sauvegarder ce site exceptionnel.

Chloé Girardot Moitié, vice-présidente déléguée aux ressources et milieux naturels

Tout savoir sur la zone Natura 2000 de l'estuaire gérée par le Département

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