Une épée protohistorique

Trouvée dans une carrière à Derval en 1950, cette épée nous vient de la protohistoire, mieux connue par les profanes comme l'âge du Bronze. Donnée au Département en 2019, cette arme vient d'être restaurée et sera exposée pour la première fois au public lors de l'ouverture du nouveau musée Dobrée.

Découverte à Derval, cette épée rattachée à la période dite protohististorique peut être datée entre 1650 à 1450 ans avant notre ère. Elle est représentative de l'équipement des guerriers de l'âge du Bronze, marqué par la création des premières épées. Ces armes sont régulièrement abandonnées dans des cours d'eau : c’est probablement le cas de ce magnifique exemplaire.

Du métal pour les dieux ?

Le phénomène des dépôts d'armes, connu dès le Néolithique, s’amplifie à l’âge du Bronze : partout en Europe, on enfouit des objets métalliques. Beaucoup sont déposés sur les rives ou dans les cours d'eau de la Loire. Il est difficile d’interpréter cette pratique : on a longtemps pensé à des réserves de métal cachées. Aujourd’hui, on y voit plutôt des gestes à sens multiples (offrandes, marquage de frontière…).

Les haches, fabriquées en cuivre puis en bronze, sont elles aussi fréquemment déposées dans la terre ou les cours d’eau au début de l’âge du Bronze. Des hallebardes et des poignards également. Ces objets sont produits localement grâce aux échanges de métal avec la côte ibérique et les îles britanniques.

Entre 1500 et 1300 avant notre ère, les dépôts métalliques sont très semblables, souvent formés d’un seul ou de deux types d’objets enfouis entiers. Ils sont placés dans une poterie ou dans un sac en tissu, ou directement déposés en terre.

À la fin de la période de l’âge du Bronze (1300-800 avant notre ère), les dépôts en terre ou dans l’eau sont désormais constitués de plusieurs centaines d’objets très variés, souvent brisés, pliés et rendus hors d’usage. Ils nous renseignent sur l’armement, les parures, le char et le harnachement du cheval.

Une épée bien conservée

L’épée présente une lame et une poignée en bronze, d’une longueur totale de 53 cm. La poignée, habituellement en matière périssable, est ici en métal, et donc conservée. Le profil de cette poignée la rapproche du type Tréboul-Saint-Brandan, datable du bronze moyen (en référence au dépôt de 300 armes découvert en 1948 à Tréboul, dans le Finistère). Le pommeau est elliptique, la fusée est creuse. La garde est plate, arquée, et présente six rivets disposés symétriquement par rapport à l'axe, sur chaque face. L’état général de conservation est bon et l'objet est quasiment intégral. L’extrémité de la lame présente un léger manque par brisure et un percement est visible sur la fusée, peut-être un trou de rivet. Les bords de la lame sont légèrement émoussés et sa surface, altérée, a perdu de la matière par l’oxydation. Un des boutons de rivet est détaché mais conservé.

Un spécimen singulier

Soumise à l'examen de spécialistes, cette épée apparaît singulière par rapport aux épées du type Tréboul-Saint-Brandan : sa poignée n'est pas tout à fait conçue comme la majorité de ces spécimens. Habituellement, la lame et la poignée sont percées de larges ouvertures dans lesquelles sont insérés des rivets assez imposants, dont la tête peut faire plus d'un centimètre de diamètre. Ici, les rivets semblent être de fines tiges métalliques passées à travers des ouvertures ajustées à leur taille et dont la tête est couverte d'un cabochon hémisphérique.

Circonstances de la découverte

Cette épée en bronze a été découverte fortuitement dans une carrière à Derval, dans les années 1950, par le beau-père du donateur, Henry Trémodeux. D’après son témoignage, il semblerait que l'épée ait été découverte avec d'autres objets, répartis entre des ouvriers alors présents. Gardée dans la famille près de 70 ans, l'arme a donc été donnée par le beau-fils de "l'inventeur" de la découverte.

Un lieu de découverte perdu dans les mémoires

S’agissait-il des pièces d’un dépôt métallique constitué de plusieurs objets ? Ni les circonstances exactes ni le lieu de la découverte ou encore le nom des autres protagonistes n’ont été conservés par la mémoire familiale. Des recherches complémentaires ont été menées par le musée Dobrée, sur le cadastre et auprès de l’association patrimoniale de la Tour Saint-Clair de Derval, pour tenter de retrouver la trace d’une ancienne carrière exploitée sur la commune, mais sans succès.

Une petite nouvelle à découvrir pour la première fois

Outre sa qualité esthétique évidente, l’objet représente sans aucun doute une riche source d’informations archéologiques, à mettre en perspective avec les collections de l’Âge du Bronze déjà conservées au musée, notamment les dépôts métalliques. La connaissance du lieu de découverte de l’épée permet enfin de le resituer dans le réseau des sites connus pour l’Âge du Bronze sur le territoire. La commune de Derval et ses alentours, au Nord de la Loire-Atlantique, ont en effet livré plusieurs dépôts métalliques du bronze moyen. On dénombre ainsi un ensemble de cinq pointes de lance à douille de type Tréboul mises au jour à Derval lors de travaux d’aménagement de l’axe Nantes-Rennes dans les années 1880 ; un lot composite trouvé à la Chapelle-Glain ; un ensemble de haches et bracelets à Moisdon-la Rivière ou encore le dépôt de l'Ile aux Lièvres à Puceul.

Restaurée par le laboratoire Arc’Antique, l'épée sera présentée pour la première fois au public en mai prochain. Vous la trouverez dans la partie consacrée à la protohistoire, au sous-sol, salle n°3, dans une vitrine consacrée aux dépôts métalliques à l’âge du Bronze.

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